Je fais mon Cinéma

Photographies de Joël Cubas et Sandrine Balade

Qui n’a jamais laissé son imaginaire lui offrir un nouveau regard sur les choses qui l’entoure ?

Durant notre séjour au Burkina Faso, l’envie nous a pris de réaliser un projet, où à travers des images humoristiques et poétiques nous évoquerions le monde du cinéma.
Nos idées nous ont amenées vers une représentation un peu naïve voire enfantine.

Régulièrement, après l’école, nos petits voisins nous rendaient visite, et, en spectateurs amusés de leurs jeux et facéties, il nous est apparu comme une évidence qu’ils seraient les acteurs donnant vie à nos images.

Le projet prenait forme. Au fil des croquis, fils de fer, cartons et bouts de bois se sont transformés en caméras, soleil, lourds nuages et oiseaux de papiers mâchés. Tout un bric-à-brac d’objets étranges s’amoncelait dans notre cour attisant la curiosité des enfants.
Le recyclage est une pratique si banale au Burkina Faso que le ventilateur ne fut pas surpris de se retrouver métamorphosé en fleur. Et l’improbable rencontre entre une bouteille et un manche à balais de donner naissance à un micro.

Nos p’tits voisins se sont vite passionnés pour cette aventure et ces petits univers prenant forme sous leurs yeux. L’équipement photo étalé dans la cour suscitait de même leur intérêt : Voir les scènes évoluer à travers l’écran renversé d’une caméra 6×6 avait quelque chose de magique.

Nos petits déjeuners étaient alors rythmés par des têtes passant le portail et demandant “Y’a théâtre aujourd’hui ?”

Théâtre, théâtre, mais c’est pas du théâtre !
Et pourtant. Nos mises en scènes figées faisaient écho à une pratique du portrait photographique en vogue dans les années 70 dans toute l’Afrique de l’ouest. Poser dans un décor fantasmatique ou symbolique rencontrait alors un grand engouement. On aimait à se représenter valise à la main, prêt à embarquer dans un avion sur toile peinte, devant un appartement factice suréquipé, un paysage urbain imaginaire ou une brousse verdoyante en trompe-l’œil. On se mettait en scène dans l’espace exigu du studio sous une posture avantageuse, téléphone à la main ou chevauchant sa moto flambant neuve.

Ainsi, dans un même élan, nous avons réalisé cette série en rendant hommage à ces photographes qui nous ont amusé, ému, fait rêver et dévoilé les espoirs secrets de Burkinabés.

Le projet terminé il nous reste ces images. Mais aussi le souvenir des décors balayés par l’Harmattan, des coupures d’électricité interrompant nos séances, des goûters au biscuits secs arrosés de Grenadine, des fous rires du comédien charrié par ses amis, des têtes des voisins intrigués dépassant du mur, de toute cette petite troupe rassemblée autour du plateau . Un moment d’insouciance comme un cadeau du ciel.

Photographies

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